vendredi 29 janvier 2010

Balade dans les souks disparus de Beyrouth

Mémoire perdue
Par Rima Harfouche

En plein cœur du centre ville, de nouvelles ruelles flambant neuves vous attirent comme un bijou. Ce sont les fameux souks de Beyrouth, notre orgueil national et les gardiens de la mémoire du peuple. Réduits en poussière par quinze années de guerre, les voila ressuscités trente ans après. Mais bizarrement, un sentiment d’étrangeté vous parcourt et un malaise vous prend à la gorge en les traversant.

Passé le moment euphorique des retrouvailles, on a l’impression de s’être trompé simplement d’adresse. Est ce vraiment cela les fameux souks dont on nous rabâchait les oreilles pendant toutes ces années ? Difficile à croire que ces ruelles pourtant très bien dessinées, élégantes et sophistiquées sont les fameux souks disparus.

On se croirait n’importe où à Dubaï ou au Qatar mais pas au cœur du Beyrouth d’antan. Un triste décalage quand on connaît belles descriptions qui circulent à propos des Souks de Beyrouth.


Les pancartes indiquant le nom des ruelles sont toujours là mais vide de leur contenu et de leur sens. Les rues qu'elles indiquent ne sont désormais qu'une succession d'enseignes de mode internationales.
Les Libanais se souviennent bien de la période d’avant guerre. Avec le Souk Ayass, par exemple, au milieu duquel trônait une fontaine entourée de rafraîchissements et de gourmandises,la fameuse «Birkét el-Aintabli» : jellab, souss, citronnade, moghlé, achetaliyé... s'offraient aux caprices des passants. A gauche, c’était Souk el-Tawilé ,la ou les dames élégantes de la capitale s'habillaient.

En face, c’était le restaurant «Ajami», renommé pour ses spécialités orientales et pour sa glace sahlab et musc. Un peu plus bas,l'entrée du Souk el-Samak, où chaque marchand vantait la qualité de ses poissons frétillant encore dans des paniers larges et ronds : daurades, merlans.

Voila le témoignage sonore d'une personne qui a côtoyé les Souks d'antan. Quelle différence avec les images actuelles! (voir la vidéo)


Au fond c’était la «place de l'Opéra», avec son fameux cinéma. A gauche, le Souk el-Wi'yé où l'on vendait du tissu au poids. Puis c'est «Béranger» devenu proverbial pour la cherté de ses articles : on disait bien «cher comme Béranger» Enfin, on trouvait «Zahar», «Le Petit Poucet», «Fayad», des hauts lieux de la coquetterie enfantine.

Plus loin, les marchands ambulants de citronnade faisaient tinter leurs gobelets pour attirer les passants. Tout ce qui fait l’âme d’une ville a disparu finalement, rasé par la guerre.

Le projet Solidere

Mais à quoi donc est du un tel gachis? Un haut responsable de Solidere, la société qui a rénové le centre ville, explique que la reconstruction des Souks de Beyrouth fut le plus beau défi que s’est lancé Solidere.

Le projet, inauguré en octobre 2009 est loin d’être achevé. Son coût final est estimé à 100 millions de dollars, il comprendra six complexes urbains répartis sur une superficie globale de 60 000 m2. Il regroupera commerces, bureaux, cinémas, restaurants et espaces verts. Des vestiges archéologiques seront également intégrés au paysage.

Le responsable precise que les souks ont été durement touchés par la sauvagerie de la guerre, d’où l'impossibilité de les reconstruire à l’identique. De grands architectes et un paysagiste français Olivier Vidal ont été sollicités pour replanter le décor des anciens souks dont l’Espagnol Rafael Moneo. Souk de Beyrouth, Downtown Beirut
Ainsi, les nouveaux Souks,ne possèdent pas l’âme unique des anciens lieux, car cette âme a disparu dans la guerre. Mais notre responsabilité sera de les repeupler de notre souffle, de notre âme et de notre mémoire. Et de les léguer intacts à nos enfants.


(en diaporama, une version avant/après des souks)




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Photos tirées de La Mémoire de Beyrouth, Ayman Trawi.


(en vidéo, des portraits de vieux souks)


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