mercredi 3 mars 2010

Est-ce à quoi devrait ressembler une prison?

par Zahraa Mortada


Destination : Roumieh. Objectif : suivre une session de Drama thérapie animée par Zeina Daccache avec 40 prisonniers. Le sujet : projection de deux documentaires de Zeina Sfeir sur la guerre.

Déjà vu une prison ? Dans les films peut être… mais l’imagination n’est pas aussi frappante que la réalité.

Une longue distance sépare l’entrée initiale de la prison des bâtiments qui « hébergent » les prisonniers. Bloc D. des cris partent, ici et là. Dans la cour, des visages se dirigent vers les fenêtres, des conversations se nouent. Une mère discute avec son fils. Une femme fait au revoir de la main à un mari ou un père, qui 3 étages plus haut, la regarde à travers les barreaux. Ces barreaux ont été transformés sous les mains des prisonniers en des supports à linge, muant ainsi les façades du bâtiment en une toile de toutes les couleurs. Un tableau impressionnant pour les yeux de celui qui ignore tout de l’endroit, mais aussi choquant, accompagné de l’odeur de pourriture qui prend à la gorge.

Se mettre à la place de ceux qui habitent ce lieu, c’est se mettre à la place d’un criminel, d’un violeur, d’un psychopathe, ou au moindre des cas, d’un trafiquant de drogue. Essayer de s’identifier à eux, de se mettre dans leur peau, est un travail difficile, voir aux yeux de tous inhumain.

Invités et prisonniers se serrent pourtant les mains, s’échange les noms, ce qu’ils ont faits dans la vie, ce qu’ils fassent ici. Zeina Daccache, la star de la sitcom « Basmet Al Watan » joue le rôle d’animateur. Tous le monde sourit, ironie et sarcasme sont au rendez vous quelque fois. Dans une salle en longueur, se tiennent assis de part et d’autre des accusés et des curieux, cherchant à comprendre un peu. Jamal, perpétuité pour meurtre, hassan, 5 ans de prison pour drogue, Atef , Eddy, Yehya…

Ils ont commis des crimes. Ils le payent très cher. Jamal était condamné à mort, aujourd’hui il est à perpétuité. « Pour combien d’années la perpétuité ? » Une question qu’il demande à tous le monde. Il ne le sait pas. Pas d’avocat pour s’occuper de son dossier. Il est là, ne voit pas de famille, attend, toujours dans un coin, les pieds en x et les mains croisés, tel un enfant à qui on a interdit de marcher. Ils le répètent tous « dans la prison, celui qui a de l’argent survit, celui qui ne l’a pas va au diable ! ». Hussein a 61 ans, il souffre d’hypertension, la prison ne fournit que les médicaments de base « le Panadol est leur seul remède à tout ». Entassés dans de petites chambres, 5 à 6 pour une chambre comprenant un seul lit, ils ripostent pour un besoin de base «celui d’être des humains ».

C’est ce que tente de faire l’actrice Zeina Daccache. Depuis 2 ans, elle anime un atelier de dramathérapie au sein de la prison. Une cinquantaine de prisonniers participent plusieurs fois par semaine à des activités artistiques, visant à les aider à mieux supporter leur quotidien, et préparer leur réinsertion. Cette fois, elle a invité la réalisatrice Zeina Sfeir à présenter deux de ses documentaires.

La guerre, les larmes, l’humanité, l’injustice que reflète Zeina Sfeir dans ses films font vibrer tous ceux qui se trouvent dans la salle, au même rythme. Une fois la lumière rallumée, les prisonniers et leurs invités, des étudiants en journalisme, se mettent à débattre. Ils regardaient dans la même direction, et maintenant ils se regardent, autour d’une table ronde qui a pour but de partager. Qu’ont-ils à partager? La question se pose. Implicitement bien sur. Et la réponse vient, évidente, dans les paroles des prisonniers.

Les détenus critiquent. Ils parlent d’un monde meilleur. Ils donnent leur avis sur le confessionnalisme libanais. Ils rejettent la guerre, la violence. Ils dénoncent le régime. Lancent des discours intimidant : « On parle des droits de l’homme ? Ou sont les droits de l’homme ?! ». Ils s’indignent, confessent aussi « la présence de Zeina, votre venue ici pour nous voir, nous rappelle que nous sommes encore des êtres humains ». Parmi eux, deux personnes ont un petit cahier dans la main, ils prennent des notes, prennent la discussion au sérieux. Suivent Zeina avec attention.

"ils ripostent pour un besoin de base, celui d’être des humains"


A première vue, son projet de réhabilitation laisse un grand impact sur eux. Par le théâtre, elle a su les faire parler, les faire revivre. Assis là a compté les heures de leur libération, et a manigancer des projets de vengeance, ils ont trouvé une autre voie, un peu plus différente. Une bande de musicien s’est créée par exemple. Ils font des cours de musique, ont sorti une pièce de théâtre et un album. Une de leur chanson dit « la tolérance a plus de grandeur que la justice ».

N’ont-ils pas raison ? Rien n’élimine leur criminalité. Aujourd’hui, ils le sont toujours, et doivent payer le prix. Mais comment ? Être privés de liberté – comme le dicte leur sentence- ou être privé d’humanité ? Être poussé à regretter leurs crimes, ou être induits à plus de criminalité ? Sur le mur de la chambre où ils prennent leurs cours de Drama thérapie, un prisonnier a écris une phrase d’Abraham Lincoln qui dit « j’ai toujours trouvé que la clémence donnait plus de fruit que la stricte justice».



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© Daliah Khamissi

mardi 2 mars 2010

Ermite de Kadisha




Un prêtre colombien, Père Dario Escobar, après des années de vie active, a choisi la vie en solitaire. Il s’est installé dans la vallée Kadisha – une des plus belles régions du Moyen Orient.
Kadisha est une pittoresque vallée au Nord du Liban sur le chemin vers la réserve des cèdres bibliques. Le calme et le panorama, à couper le souffle, rendent le lieu propice à la méditation. Depuis des siècles, c’est donc l’endroit qui abrite les couvents et les ermitages. C’est la raison pour laquelle Kadisha en syriaque signifie la Sainte.
De Haouqa, un village entre Ehden et Becharre, il faut descendre à peu près 1 km en prenant des escaliers rocheux jusqu’à l’église Notre-Dame et les ruines d’une ancienne école de 1624, où jadis, on enseignait six langues. En partie construite dans plusieurs grottes, creusées par la nature dans la montagne, elle est devenue un asile pour le Père Dario Escobar, un Colombien, qui depuis dix ans mène une vie d’ermite.
Memento mori
Le lieu est significatif, car le Père Dario lui-même est ancien professeur de théologie et psychologue clinique, spécialiste de la thérapie de couple, connaissant diverses langues étrangères, y compris le dialecte indien Guajiro, les langues anciennes et l’allemand, qu’il a appris pour pouvoir lire les livres du cardinal Ratzinger, aujourd’hui le pape Benoit XVI.
Habillé en noir, avec une longue barbe grise, le père Dario affiche un air sombre. Si quelqu'un n’est pas prévenu de son existence, il pourrait même faire peur. Toutefois sa nature gaie, son sourire et son sens de l’humour mettent tout de suite à l’aise. Costaud, droit, il ne fait pas ses 75 ans.
L’endroit est charmant avec un vieux noisetier, un petit jardin et un panorama de vallée magnifique. En haut des ruines de l’école, père Dario a arrangé une minuscule cuisine et un bureau, bourré de livres religieux et de dictionnaires. La bibliothèque est dominée par un crâne.
« Memento mori. Pour me rappeler de la mort », dit-il.
Sur la fenêtre, un drapeau d’un parti libanais de la région sert de rideau. Sur la porte, il a écrit que toutes photos sont interdites. « Mon ami m’a dit que mon profil a été créé sur Facebook, désormais j’ai décidé de limiter mes contacts avec les visiteurs et surtout je ne veux plus être photographié» raconte-t-il gêné. Il dort dans une grotte, sur un tapis de paille. Une pierre lui sert de coussin. Sur une étagère creusée dans la roche, on trouve des habits spéciaux pour l’exercice de mortification et de pénitence. Pendant l’année il observe 6 carêmes. Ses journées commencent à minuit et sont constituées de 14 heures de prières, trois heures de travail, deux d’études, cinq de sommeil, coupées par un repas végétarien.
« En principe ça me suffit, ce que je cultive au jardin, seulement j’ai la concurrence des sangliers et des écureuils. Parfois aussi des touristes, qui visitent les ruines."
Un futur promettant
Pourtant ce fils d’une famille de sept enfants, plutôt aisée du Medellín, une grande ville du nord-ouest de Colombie, avait devant lui un futur brillant. Avec nostalgie, il se souvient de son enfance : « Mon papa était propriétaire d’une grande usine de glace. Nous avons vécu confortablement » admet-il, mais il n’aime pas souligner qu’il était riche. A 11 ans, Dario rejoint un petit séminaire de la Congrégation de Jésus et Marie, fondée par St. John Eudes, à Medellín, pour poursuivre son éducation à Bogota, puis aux Etats-Unis et en Europe. Entre temps, il devient prêtre. Enfin, il se retrouve à Miami où il souhaite devenir conseiller marital et s’occuper des groupes de prière. Malheureusement, l’évêque latin lui refuse. « C’était un signe de Dieu, car un prêtre maronite m’a proposé de travailler dans sa paroisse. J’ai reçu du pape Paul VI la permission de célébrer la messe en rite maronite.» - raconte-t-il. « Un jour j’étais très occupé et j’ai dit que je n’en pouvais plus. Une voix intérieure m’a dit de quitter la vie active et commencer la vie contemplative, avec les moines». Puis, il est invité au Liban pour faire connaissance de la vie monastique. Après la permission du Pape Jean Paul II, il rejoint l’Ordre Libanais Maronite et devient moine.
Avant que Père Dario décide de vivre dans la solitude, il voyage du Liban en Colombie via les Etats- Unis. A l’époque, la lutte contre le trafic de drogue et la mafia de Medellín de Pablo Escobar bat son plein et lui vaut quelques ennuis.
« Des tampons pour Medellín, Beyrouth, Miami et avoir le même nom qu’un trafiquant dans mon passeport m’a coûté trois heures d’investigation bien que je ne sois pas de sa famille».- dit-il amusé.
Un ermite du XXI siècle
Enfin, père Dario sent sa vocation d’ermite bien que son supérieur veuille qu’il enseigne à l’Université de l’Ordre. Les ermites ont toujours été traités avec un grand respect et les gens venaient chez eux pour leur demander conseils. Père Dario, lui, confesse et aide surtout les couples mariés « Les gens ne communiquent plus. Le dialogue c’est d’accepter la volonté de l’autre » - souligne-t-il, « Dans le mariage nous devons éviter les mots « jamais », « toujours »,
« pourquoi » ».
L’ermite est aussi un prêtre exorciste, dont sa formation de psychologue lui est très utile. Bien connu par les habitants de la région, ces derniers lui amènent de la nourriture et lui ont installé l’électricité. Avec cette petite trace de modernité, Père Dario peut préparer des traductions pour son couvent. Sa première bouteille de gaz lui a servi pendant 6 ans. Les seules liaisons qu’il ait avec le monde extérieur sont les gens et les confrères du couvent de St. Antoine de Qouzhaya qui le visitent. « J’ai quitté ma famille, ma patrie, la vie active. Ma santé est dans les mains de Dieu» ; il ne veut pas que ses nombreux neveux et nièces lui rendent visite au Liban.
Dans la vallée Kadisha il y a encore trois ermites dont une femme, mais seulement Père Dario est ouvert et d’accord pour les visites. Peut-être à cause de ça, il est devenu une célébrité dans la région. De plus en plus de journalistes lui rendent visite. Pourtant le contact avec les gens et les petites traces de modernité ne changent rien dans la philosophie de la vie d’ermite.
« J’ai atteint la paix et l’équilibre intérieur. Je ne peux imaginer une autre vie », conclut-il
.

lundi 1 mars 2010

Commémoration de l'assassinat de Rafic Hariri

Comme chaque année, le 14 février, des dizaines de milliers de Libanais se sont rassemblés sur la Place des Martyrs au centre ville de Beyrouth, pour se commémorer l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Cet attentat ciblé avait déclenché la Révolution du Cèdre menant au retrait des troupes syriennes du Liban en 2005.



Diaporama photo

Par Delphine Darmency



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Photographies prises le 14 février 2010