vendredi 29 janvier 2010

La censure au Liban: Chaque jour est une fête

La pellicule brûle

Par Sana'à Al Khoury


Des critères élastiques et absurdes gèrent la censure sur les œuvres cinématographiques et théâtrales au Liban. L'année 2009 a connu plusieurs cas de coupures et d'interdiction. Un comité d'avocats et d'activistes pensent changer l'état des lieux.

Le vieil homme était en train de raconter une histoire. Celle d’une maison qu’il a construite avec de la terre et du sable, puis reconstruite une fois détruite par un séisme…

Aux côtés de sa vieille femme, devant les murs qui restent de sa maison, il nous raconte qu'il a renoncé à sa reconstruction une fois détruite par la guerre.

Mais le public de «Semaan au village» (Sema’ an bil daya’a ) dans les salles du cinéma n’a pas pu savoir la suite. Les cinq minutes qui relatent l’expérience de ce couple de déplacés, qui ont quitté leur village au Chouf (Mont-Liban), ont été coupées par la censure. Leur histoire constituaient "une menace à la paix publique, et une instigation aux turbulences intra-confessionnelles".

D’autres histoires ont été censurées… Celle d’une prostituée, celle d’un homosexuel, celle d’un enfant des rues, celles des femmes racontant leurs vies sexuelles intimes, celles de Nancy et ses songes sur la guerre. Et d’autres.

Celles-ci entravaient la morale, la décence et l’intérêt public. Comme si leur interdiction sur les écrans, masquait leur lourde présence dans la vie réelle.

Ces trois règles absolues sont les arguments qu’avance la censure libanaise pour interdire une œuvre cinématographique ou théâtrale.

Avant la fin de 2009, plusieurs cas de censure ont eu lieu.

  • Retrait du permis de diffusion de Help, premier long métrage du cinéaste libanais Marc Abi Rashed.
  • Coupure de cinq minutes du «The one man village», premier documentaire de Simon Haber.
  • Interdiction de deux longs métrages du cinéaste Paolo Benvenuti, après l’avis du «Conseil Catholique des médias». Ce dernier donne, avec d'autres institutions religieuses, des avis "consultatifs" aux fonctionnaires de la Sécurité Générale.
Simon Haber et Marc Abi rashed Nous racontent leurs expériences:









Devant cet état des faits, un ensemble d’artistes, d’avocats, d’intellectuels, d’activistes, et d’institutions culturelles indépendantes («Metropolis», «Beirut Art Center», «Beirut Dc», «Shams »…) ont lancé une initiative pour changer la loi gérant la censure au Liban.

Dans un comité spontané, qui est en train de s’agrandir, ils se sont réunis pour les objectifs suivants :
  • Annuler la censure préalable monopolisée par la Sécurité générale
  • Œuvrer pour le changement de la loi de 1947 qui gère la question de censure, en convainquant les députés de présenter un projet de loi
  • Relier les mécanismes des protection des mineurs ou de l’intérêt public à un groupe d’organismes indépendants.
  • Les personnages ou groupes qui se sentent lésés par une œuvre auront recours aux tribunaux, qui évalueront la justesse de leur cause.
Le bureau de l’avocat Nizar Saghié, a pris en charge la préparation d’une études juridiques, qui englobera tous les cas de censure depuis les année 90 jusqu’à présent.

Nayla Geagea, une jeune avocate, y travaille depuis des mois sur un rapport détaillé de tous les cas de la censures préalable et arbitraire.

Elle nous raconte le trajet que les artistes doivent entreprendre pour mettre à terme un film ou une scène :

  • Un permis sur le Scénario. Celui là peut être coupé et même édité. On demande aux candidats de changer réplique ou mot.
  • Un permis de tournage
  • Un permis de diffusion

Selon Geagea, il n’y a aucune loi qui dicte un permis de tournage. C’est l’exercice de la Sécurité générale qui impose une procédure aussi entravante. Les éléments de cette loi date du mandat français, et Geagea qualifie ces critères de censure d’«élastiques, et absurdes, usant de termes très généraux». Le rapport de Geagea sera publié lors d’un congrès.

De son côté, le journaliste et critique Pierre Abi Saab juge la censure préalable - telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui - d"illégale". Avec un grand nombre d'artistes, de juristes et d'intellectuels, le chef du service culturel du quotidien Al-Akhbar se demande: Le public libanais est il mineur pour qu'un tuteur quelconque lui indique que voir ou ne pas voir?

Voix de Pierre Abi Saab


tilidom.com

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