vendredi 29 janvier 2010

Adieu Ma’oua, bienvenue la maison de soins

Vieux et vieilles, ne vous inquiétez plus!

Par Salma Abou Assaf

Loin de l'image que nous nous faisons de l'asile triste et décrépi, certaines maisons de soins accueillent nos grands-mères et grands-pères pour leur rendre le sourire. Exemple avec la Maison Maronite.

Fondée en 1950 à Furn El Chebbak, la Maison Maronite a la capacité d’héberger 104 personnes âgées des deux sexes, de différentes confessions, autonomes ou dépendantes mais ne souffrant pas de malformations physiques ou de retard mental.

Actuellement 89 femmes et 15 hommes du troisième âge résident dans la Maison Maronite d'hebergement et de soins. Ce qui leur assure le bien être et la sécurité. Ils n’ont qu’un seul souhait, qu’on leur rende visite plus souvent.

Chiites et Sunnites bienvenus

La directrice de la maison Sœur Suzanne Abdallah explique que le ministère des Affaires sociales prend en charge 20% des résidents et paie la somme de 4000 LL pour chacun par jour.

Par ailleurs, le ministère de la Santé publique prend en charge, environ 55% des résidents et paie 15000 LL par jour. Le même résident ne peut pas bénéficier de la contribution des deux ministères. Un plafond annuel concernant le nombre des personnes prises en charge par l’Etat est établi et les autres sont couvertes par leurs propres moyens, par des dons et par l’association des sœurs de Sainte Thérèse.

Sœur Suzanne ajoute que la Maison Maronite accueille des chiites et des sunnitesPas de distinction, tous sont traités de la même façon», précise-t-elle. Des médecins spécialistes auscultent les vieillards deux fois par semaine. Des groupes d’infirmières diplômées sont là en permanence. Un psychiatre aide les résidents s’ils ont des problèmes. Quant aux dons, Sœur Suzanne assure que la maison en reçoit avec une générosité extrême, surtout de la part des musulmans à l’Adha.

Le bâtiment de quatre étages est divisé suivant les niveaux sociaux des personnes âgées. Le premier consacré aux pauvres qui ne peuvent pas payer. Les chambres contiennent chacune trois lits.

Le second pour la catégorie moyenne. Les deux derniers sont pour les gens riches. Mais le point commun entre ces étages est la propreté, le visage souriant des employés et des personnes âgées qui ne réclament qu’une seule chose : qu’on les visite de temps à autre et qu’on ne les oublie pas.

Olga n'oublie jamais de se maquiller

Le long couloir du premier étage renferme une dizaine de chambres. Très modestes et très propres. Ces chambres consacrées aux résidents pauvres comprennent chacune : trois lits, une télévision et une armoire pour chaque résident.

Olga (68 ans), alitée depuis quatre mois à cause d’une fracture au niveau du pied n’oublie jamais de se maquiller chaque matin.« J’ai changé de logement mais j’ai toujours le même esprit. »

Sa voisine Asma (72ans), mère de famille, est très fière de ses enfants. Elle demande sans cesse que le bon Dieu les protège. "C’est moi qui ai décidé de venir ici. Mes enfants sont mariés et chacun a sa famille. Ici c’est mieux."
Asma explique que Madame Cherry est une nouvelle résidente. "La pauvre elle vient de perdre son mari. Ses enfants ne veulent plus d’elle à la maison . Ils l’ont emmené ici malgré elle".

"Comment je serai dans 40 ans"


Avec une rapidité remarquable, l’infirmière Norma saute d’une chambre à l’autre. Elle donne les médicaments à une vieille. Passe ses mains sur les cheveux d’une autre. Interdit au vieux de fumer en lui promettant de le laisser faire le lendemain. Assure à un autre qu’elle va retourner chez lui à la fin de sa tournée:
"Je travaille ici depuis quinze ans. Je suis tellement attachée à cet endroit. La joie de Sainte Thérèse envahit mon cœur. Ce qui me gêne le plus c’est lorsqu’un vieux nous quitte . C’est triste car je passe la plupart de mon temps ici. Je suis habituée à les voir chaque jour. Mon travail m’a permis de voir comment je serai dans 40 ans."
Maha qui réside là depuis 7 ans raconte le déroulement de sa journée: « Je me lève le matin. Parfois je porte des habits, parfois je garde ma robe de chambre. Ici il n’ya pas de problème. Je lis mes livres de prières. Je termine vers 10 heures. Je visite mes amis dans leur chambre. On bavarde un peu jusqu’à l’heure du déjeuner. Après on fait la sieste. Le soir on regarde la télévision. Je suis très contente ici. Je ne gêne personne. Les rumeurs qui circulent à propos de ces établissements sont irréelles même destructives car elles découragent les personnes âgées à entrer ici. J’invite les gens à venir visiter cet endroit pour avoir une idée claire de ce qui se passe dedans. »

Fadia (70 ans) demande à toutes les personnes âgées qui ont peur de quitter leur famille et de venir vivre dans des maisons de repos de venir voir ces endroits pour changer d’avis. "Ici, ce n’est plus le Ma’oua d’autrefois. Il faut barrer du dictionnaire le mot asile qui fait peur et qui a une connotation tabou pour la plupart " ajoute -t-elle.

Le cas de Jamilé est délicat. Elle est paralysée. On lui donne le bain dans le lit. Elle remercie Dieu d’être ici. « On me traite d’une façon formidable. Personne de ma famille n’a pu me supporter comme eux

En entrant dans la chambre de Nabiha tu te rends compte que tu es au quatrième étage. Bien meublée, un miroir décore le mur, une couverture imprimée, un vase plein de belles fleurs, un réfrigérateur et une télé.

Mirna (70 ans) a l’air triste. Elle n’est pas encore habituée à cet endroit." J’aime retourner chez moi voir les voisins et rester en famille, ici je me sens en prison."

Edouard est parmi les 15 hommes résidant ici : "J’ai envie de retourner dans mon village, mais qui va prendre soin de moi?"




Étonnant est le sens humoristique de sœur Clotilde paralysée depuis 50 ans. Avec un doux sourire, elle dit qu’elle a accepté la volonté de Dieu. Elle tricote des caches de boites de serviettes. Une grande photo, celle de son frère Père Albert Cherfane (détenu lors de l’invasion Syrienne du Liban le 13 octobre1990) occupe le dos de l’armoire en face d’elle "J’attends toujours son retour" dit-elle.

Au Liban, 48 établissements d’hébergement accueillent plus de 4000 personnes du troisième âge. La moitié de ces établissements se localisent au Mont Liban. Les autres se répartissent entre le nord, Beyrouth et au sud. Tous sont à but non lucratif et non gouvernementaux.


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