1, 2, 3, soleil ?
par Zahraa MortadaQue de vacarme! Une sieste l’après midi? Difficile. Une femme hurle du haut de son balcon "allez jouer ailleurs!". Des rires fusent d’ici et de là, une poignée d’enfants s’enfuit en jetant des cris. "les petits démons!" lance un vendeur de la porte de son petit magasin.
On est à Burj Al Barajina, un camp palestinien situé dans la banlieue sud de Beyrouth.
Il n’est peut être pas l’un des meilleurs de la ville, mais il est en tout cas le plus grand.
Wadii, Hussein, Alaa, Mohamad, tout à la joie d’avoir fini leurs cours, se baladent dans les rues. Ils jouent, Rencontrent d’autres amis, continuent ensemble leur chemin, et n’oublient sûrement pas, au passage, de faire les petits malins.
Leur destination: "al saha" (la place). C’est ainsi qu’ils appellent ce petit bout de terre qui fait 6 m2 au plus et constitue leur lieu "légitime" de jeu. Clôturé des 4 cotés par des maisons, avec 2 petites issues. Là, pas de voitures, pas de "grandes" personnes qui hurlent leur frustration…
Cette place est si petite qu’elle n’a jamais pu contenir leur soif d’enfants. Ainsi, et tout naturellement, le camp en entier s’est transformé en terrain de jeu. Il s’y déchainent, loin des murs de leurs étroites maisons, et de la surpopulation qui y règne.
Le camp en entier s’est transformé en terrain de jeu
En dépit des voitures et des motos qui prennent à elles seules toute la superficie de certaines rues, en dépit de la colère des adultes qui cherchent quelques moments de répit, ces enfants n’ont pas de limites à l’intérieur du camp. Ils peuvent jouer au foot en plein milieu de la rue, faire la course au centre d’un marché, grimper sur les barrières des maisons… un moyen de respirer peut être? qui sait…
Fiers, ils affichent l’air d’être les maîtres des lieux. Pas une parcelle de terre qu'ils n'aient foulée, Pas un mur qui n’ait échappé à leurs petites mains. Hussein est capable de faire le guide, des lieux et des personnes en même temps « ici, tous le monde se connait » clame-t il fièrement.
A quoi on joue ?
En effet, à quoi joue-t-on dans ses mini-ruelles ? revenons à nos souvenir d’enfance, et parfois, à ceux de nos parents.
Vous souvenez-vous des billes ? vous souvenez-vous du saute-mouton, de voleurs et chasseurs ? de « fathi ya warda, sakri ya warda », du jeu des pierres, de la marelle ? des ces jeux tombés quelque peu en désuétude suite à l’invasion des Playstations et de l’électro jeux.
Ces jeux constituent leur petit monde d’enfants. Ils les citent à l’unanimité, en expliquant leurs règles. A part quelques heures par semaine dans les cafés internet, délaissés car cher pour leurs bourses, ces jeux constituent leur seul choix possible. Heureusement pour eux.
Les billes deviennent un trésor, ils les amassent d’années en années. Alaa retire de sa cachette une grande bouteille de 3 litres d’eau, remplie à moitié par des billes. Son trésor attendait au coin que vienne le printemps.
La saison des billes
Ali, un habitant du camp, nous parle de la saison des billes, et explique pourquoi ce jeu est toujours en vogue dans le camp (voir le diaporama si dessous)
Traduction de la vidéo : Le jeu de billes est un jeu de saison : Quand le printemps arrive et que les enfants peuvent sortir avec plus de liberté. Un ou deux des enfants lancent le jeu, et tous les autres ressortent leurs billes ! Ils les amassent d’année en année et utilisent chaque année ce qu’ils récoltent. Ceux qui n’en ont pas en achètent. On en voit tant dans les camps car il n’y a pas d’autres choix de loisirs, il n’y a pas de jardins ni de terrains de jeu… il n’y a que des petites passerelles de rues où ils ne peuvent se permettre que certains jeux, comme les billes, chasseurs et voleurs, saute-mouton… Ils ne peuvent pas jouer au foot par exemple. Au plus le font ils à deux dans une des ruelles, sinon ils louent un terrain de jeu à l’extérieur du camp. La place que vous avez vue est une des plus grandes du camp. Il n’y a plus beaucoup de place pour les jeux des enfants car d’année en année la construction augmente: Les parents veulent marier leurs enfants et agrandissent leurs maisons, les enfants grandissent et ont besoin de plus de place, pour étudier, s’éduquer…
Les billes n'ont pas fini de rouler dans le camp de Burj Al Barajina.
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